
Soirée Harmonie avec le domaine Trimbach au Restaurant Julien Binz
Jeudi 9 octobre 2025, s’est tenue une soirée Harmonie autour des vins du Domaine Trimbach, en présence d’Anne Trimbach, treizième génération de la célèbre maison de Ribeauvillé. Le chef Julien Binz, la responsable export / marketing du domaine et la cheffe sommelière Cindy Schirr ont offert aux convives un dîner accords mets et vins construit comme un dialogue à trois voix, entre terroir, savoir-faire et émotion.
Le repas s’ouvrait sur un amuse-bouche imaginé autour du maïs, grillé à sec à la poêle pour révéler sa note caramélisée sans ajout de sucre. Le chef y avait associé un condiment mûre-cacahuète, acidulé et croquant
« J’ai voulu y intégrer une dimension chère à ma cuisine : le fumé », expliquait Julien Binz. Un siphon de maïs légèrement fumé, surmonté d’une poudre de pop-corn, venait prolonger ce fil conducteur.

Le vin d’ouverture, un Riesling Geisberg 2012, fut présenté par Anne Trimbach. Elle rappela l’histoire du domaine familial, fondé en 1626 à Ribeauvillé, aujourd’hui fort de quarante et un collaborateurs, dont la moitié dans les vignes, et certifié en agriculture biologique depuis 2023. Le Riesling, cépage emblématique de la maison, représente plus de la moitié de la production.
Le Geisberg, terroir marno-calcaire et gréseux planté en terrasses, produit des vins complexes et droits. Ce millésime 2012, disait-elle, « harmonieux dès ses débuts, conserve aujourd’hui une belle gourmandise et atteindra son apogée dans une dizaine d’années ».

Cindy Schirr souligna la justesse de cet accord d’ouverture : les notes fumées et la légère amertume du maïs dialoguaient avec la tension cristalline du vin, la minéralité calcaire répondant à la douceur caramélisée du plat.
L’entrée mettait à l’honneur la terrine de foie gras à la truffe, un produit que le chef affectionne particulièrement et qu’il travaille « dans toutes ses textures et températures ».

Julien Binz confia réaliser chaque année ses propres conserves de truffes, achetées en début de saison auprès d’un négociant du Sud de la France. Pour cette recette, le foie gras fut mariné au jus de truffe, relevé d’une pointe de Porto et de cognac, puis compressé avec du céleri, « un mariage idéal ». Cuit à basse température, autour de 55 °C, il fut présenté sans fioriture : « dans sa plus simple expression, sans gelée ni artifice, simplement avec un pain grillé ».

Anne Trimbach proposa en accord le Gewurztraminer Seigneur de Ribeaupierre 2016, vin hommage aux Seigneurs de Ribeaupierre, figures historiques de la ville. Issu de vieilles vignes du Mandelberg, du Muhlforst et du Trottacker, il n’est produit que certaines années, lorsque la qualité le justifie. « Nous recherchons la finesse et l’élégance, jamais l’exubérance », précisa-t-elle.
Pour Cindy Schirr, cet accord reposait sur la richesse et la générosité : la texture soyeuse du foie gras, la noblesse de la truffe et la subtilité aromatique du vin trouvaient un équilibre naturel, porté par une acidité finale appétente qui créait un véritable pont gustatif entre les deux univers.
Le troisième service s’articulait autour du poisson : une choucroute de sandre revisitée.
« Nous n’avons pas voulu la présenter de façon classique, » expliquait le chef. « Nous avons glissé la choucroute à l’intérieur du poisson, en ballottine, puis cuit le sandre à basse température. »
La sauce, élaborée à base de Riesling réduit comme un beurre blanc, relevée d’une pointe de raifort, apportait du relief. En garniture, de petites pommes de terre en spirale alternaient avec du chou, « pour retrouver tous les marqueurs de la choucroute, mais dans une version raffinée et contemporaine ».

Agria roulée au lard rôtie, crème de Riesling « Kaefferkopf »
Pour accompagner ce plat, Anne Trimbach avait choisi un Clos Ste Hune 2014, « car un dîner Trimbach sans Clos Ste Hune serait impensable ». Ce Riesling mythique, issu du Grand Cru Rosacker à Hunawihr, provient d’une parcelle de 1,67 hectare plantée de vieilles vignes sur sol calcaire coquillier.« Nous produisons environ 7000 bouteilles sur ce millésime, » précisa-t-elle, « et nous ne les commercialisons qu’après plusieurs années de repos. Le Clos Ste Hune a besoin de temps pour atteindre sa plénitude. »

Cindy Schirr décrivit l’accord comme une rencontre entre deux expressions de la pureté : « Le vin, cristallin, citronné, presque granuleux en texture, épouse la chair délicate du sandre. Les notes lactiques et acidulées de la choucroute résonnent avec la vivacité du vin, tandis que la sauce au raifort enrobe le palais avant que le Riesling ne vienne le purifier. Un dialogue parfait entre minéralité et onctuosité. »
La séquence carnée proposait un chevreuil décliné en deux textures : le civet et le filet rôti.
Julien Binz expliqua : « Nous avons choisi un chevreuil non faisandé, très délicat, à la chair fine. »
Le civet, préparé à partir d’une épaule effilochée après une nuit de cuisson lente, avait mijoté avec des légumes et du vin rouge, puis sa sauce fut réduite et finie à la Chartreuse. Il était servi avec une purée de panais et quelques chips croustillantes.

Le filet, rôti et servi rosé, s’accompagnait d’un panais confit dans le lait, de la même purée et d’une figue pochée dans le vin rouge et le Porto, jusqu’à saturation du fruit.
La sauce, légère, reposait sur une réduction de poivre noir et de genièvre, liée d’une purée fine « pour plus de velouté ».

Anne Trimbach proposa le Pinot Noir Cuve 7, millésime 2020. Le nom, expliqua-t-elle, vient de la cuve d’origine : « Le premier Pinot Noir vinifié en 2001 l’a été dans la cuve n°7 ; mon oncle a simplement dit : appelons-le Cuve 7 ! »
Ce vin provient des vieilles vignes du Rotenberg, sur argile rouge et calcaire, et de deux parcelles granitiques à Saint-Hippolyte, plantées dans les années 1980. Égrappé à 100 %, il est élevé en vieux foudres neutres de 1000 à 2000 litres. « Nous ne travaillons pas avec le bois neuf, » précisa-t-elle, « par choix de pureté ». Le millésime 2020, chaleureux et harmonieux, offrait une texture souple, un fruit généreux et une structure fine.
Cindy Schirr souligna l’élégance de cet accord : « Le civet, dense et corsé, rencontre la structure tannique discrète mais ferme du vin ; le filet, plus délicat, dialogue avec la figue et les épices du jus. Le Pinot Noir apporte sa fraîcheur, ravive le palais et prolonge la gourmandise, sans jamais dominer. »
Le dîner s’achevait sur un pré-dessert inspiré par le vin lui-même.
« Nous avons imaginé un dessert autour des agrumes, » expliquait Julien Binz. « Un assortiment de fruits frais, une émulsion au pomelos rubis réalisée au siphon, une tuile craquante pour la texture, et un sorbet citron pour la fraîcheur.»
Le vin choisi était une rareté : une cuvée mythique, jamais reproduite depuis.

Anne Trimbach rappela que les conditions climatiques exceptionnelles de 2001 avaient permis d’obtenir une pourriture noble idéale : « Nous n’avons plus jamais revu cela depuis. Ce vin allie douceur, fraîcheur et une acidité d’une précision remarquable. »
Produit à seulement 1500 bouteilles, il atteint aujourd’hui une maturité parfaite.
Cindy Schirr en parla avec émotion : « C’est un vin d’une intensité rare, ample, gras, mais d’une acidité lumineuse. Au nez, des notes de safran, de miel, d’agrumes confits ; en bouche, un équilibre presque spirituel. Le dessert joue la carte de l’amertume et de l’acidité, prolongeant la tension du vin. On oublie la notion de sucre : tout est question d’équilibre et d’harmonie. »

Le Croustillant chocolat Tanariva, Crémeux fruits exotiques, sorbet litchi a fait sensation suivi des cafés et mignardises pour prolonger la soirée. Ensemble, Julien Binz, Anne Trimbach et Cindy Schirr ont offert une expérience rare, où la gastronomie alsacienne s’est racontée dans ce qu’elle a de plus vrai : la justesse, la précision et l’émotion partagée.
Par Sandrine Kauffer