Chef sur le gril – Julien Binz, restaurateur à Ammerschwihr
Revue de presse parue dans les DNA. Un article signé par Michelle Freudenreich et publié le 17/07/2016.
Désireux de voler de ses proches ailes, Julien Binz a, en décembre 2015, ouvert son restaurant éponyme avec sa compagne Sandrine Kauffer. Dans l’ancien Arbre Vert d’Ammerschwihr qu’il a métamorphosé, le chef étoilé du Rendez-vous de Chasse, à Colmar, propose une cuisine gastronomique constellée d’idées neuves.
V ous ne seriez pas arrivé là sans l’aide de qui ?
Je voulais être garde forestier, mais quand je suis arrivé en 3e , je n’avais pas le niveau pour faire ce que je voulais faire. Soit je refaisais ma 3e , soit je continuais sur une autre voie. Comme j’avais un copain fils de restaurateur et que j’aime bien manger, je me suis orienté vers la cuisine. Je suis entré à l’école hôtelière à 16 ans. Mais je ne serais pas arrivé là sans l’aide de mes parents qui m’ont soutenu tout au long de mon parcours, qui m’ont toujours encouragé à m’installer et qui m’ont vraiment aidé pendant la période des travaux et encore aujourd’hui, ils sont là toutes les semaines pour améliorer les infrastructures. Enfin, rien de tout cela aurait été possible sans l’aide et la participation de Sandrine. je n’aurai jamais ouvert de restaurant sans elle.
Après une semaine de jeûne, quel serait le plat à déguster absolument ?
Une choucroute faite par ma maman. De façon très traditionnelle car c’est le goût de mon enfance. Je me fais rarement plaisir quand j’en mange une au restaurant.
Mangez-vous de tout ?
Je ne mange pas d’abats. Sauf le ris de veau. Même le boudin, je ne suis pas fan.
Votre plus grande satisfaction en cuisine ?
Ce qui me donne la plus grande satisfaction, c’est le plaisir donné aux clients. Qu’on me dise « Waouh, c’est incroyable, ce que j’ai mangé ! » Et cela arrive quelquefois.
Quelle est votre plus grande frustration ?
Il y en a toujours. On a plein d’idées parfois difficiles à mettre en œuvre. J’ai des plats imaginés sur papier, je les fais, les refais, mais cela ne donne pas de bons résultats. Quand on n’y arrive pas, c’est frustrant.
Votre plat et votre dessert préférés ?
Je n’ai pas de plat préféré. Ou alors une tarte flambée. Comme dessert, c’est la bûche de Noël crème au beurre café, un peu alcoolisée au rhum. Mon grand-père, qui était boulanger, en faisait dans mon enfance et j’attendais ça avec impatience. Il nous faisait aussi des brioches le matin. J’étais dans ses pattes tout le temps. Il y avait sans doute là une pré-vocation. Je voulais absolument faire des tartes à l’orange alors que ce n’était pas possible. Ça desséchait au-dessus et le jus coulait en dessous. Le résultat n’était pas probant…
Votre plus belle création ?
J’ai un plat autour du chevreuil que je sers avec une mousseline de patate douce, pâtes de fruits au vin chaud, sauce aux baies de genièvre. C’est un plat dont je suis très fier car il est très peaufiné. Nous l’avons travaillé en commun avec toute l’équipe du Rendez-vous de Chasse. Je le refais aujourd’hui.
Plutôt viande ou poisson ?
Plutôt poisson. J’apprécie beaucoup le turbot. On le cuit avec des petits pois, une émulsion de noix de coco et de menthe. On ne met pas du tout de beurre ni de crème.
On cuisine différemment à Colmar et à Ammerschwihr ?
Les choses ont changé. Au Rendez-vous de Chasse, je cuisinais avec l’aval de Richard Riehm (NDLR : l’ancien propriétaire des lieux). Il me laissait carte blanche, mais quand il n’aimait pas un produit, il décidait de ne pas le proposer. Aujourd’hui, je fais ce que j’ai envie de faire et j’en assume le résultat.
Que pensez-vous de la cuisine moléculaire ?
J’y ai pioché quelques techniques. J’en suis revenu. Ce n’est pas ma démarche. Tout ce que je sers, on le travaille de façon naturelle. La cuisine moléculaire est intéressante dans son aspect scientifique et technique. Personnellement, je n’en mangerais pas tous les jours, ni n’en servirais au quotidien. On a beaucoup joué aux apprentis sorciers ! Tout le monde s’est mis à faire beaucoup d’émulsions. Tout a été autorisé car il n’y avait pas de cadre juridique. J’ai mangé chez Ferran Adria, au El Bulli. On nous a servi 27 plats, on est sortis légers comme des plumes… Ça relevait plus de l’expérience que du repas. Mais j’ai adoré l’expérience.
Carte avec ou sans choucroute ?
Sans choucroute. Avec la choucroute, on est dans une cuisine clairement traditionnelle. Je n’ai pas envie de revisiter ce plat car les gens s’attendent justement à quelque chose de traditionnel.
Vous cuisinez bio ?
Pas forcément, mais j’y suis favorable. Je me fournis auprès des petits producteurs locaux autant que possible. Bien sûr, le poisson de mer, c’est plus difficile… Mais je n’ai trouvé personne qui puisse assurer la fourniture de produits sur la durée. Parfois, mes produits viennent de plus loin comme l’agneau de Sisteron. J’essaie d’avoir de belles origines, si ce n’est locales, du moins françaises. Cela a des conséquences sur les prix. Cet agneau-là est trois plus cher que celui de Nouvelle Zelande. Il faut bien répercuter le coût de la qualité.
Appréciez-vous la téléréalité culinaire ?
Je ne regarde pas. Je n’ai pas de télé. Ma journée commence à 5 h du matin et se termine à 1 h du matin. C’est moi qui ferme les portes et éteins les lumières. Les jours de repos, je les consacre à l’administratif. Sandrine met beaucoup la main à la pâte. Sans elle, tout ça n’existerait pas.
La cuisine est votre seule passion ?
Non. J’aime beaucoup le karting. Je le pratique en loisir. Je suis aussi un passionné de chiens. Je n’en ai plus depuis le mois de décembre. Le dernier est décédé. Vu les contraintes liées à l’ouverture du restaurant, on n’en a pas repris.
Restaurant Julien Binz
7, rue des Cigognes, Ammerschwihr
Fermé lundi et mardi
✆ 03 89 22 98 23 –
www.restaurantjulienbinz.com
www.julienbinz.com – restaurant@julienbinz.com – Page Facebook.