Dans l’anneau minéral de l’assiette, semblable à un écrin brut, se déploie une partition gourmande où la myrtille tient le rôle principal. Elle évoque d’abord l’Alsace dans sa dimension la plus authentique : fruit des Vosges, elle est ici travaillée en compotée dense, concentrée en goût, et en pickles acidulés qui rappellent la vivacité des recettes paysannes, comme ces conserves maison qui accompagnaient les repas familiaux. La tradition se glisse dans cette mémoire rustique, renforcée par l’évocation d’un simple fromage blanc aux myrtilles, dessert de tous les jours devenu source d’inspiration.

Mais le geste du chef dépasse ce souvenir. La technique contemporaine s’affirme à travers l’usage du siphon à la badiane, qui enveloppe le fruit d’une mousse aérienne et aromatique, et par la légèreté d’un sorbet anisé, inattendu écho glacé à l’Alsace des liqueurs. Le croustillant de la tuile, délicate comme un voile, introduit la dimension tactile, à casser du bout de la cuillère, soulignant le raffinement de la démarche.

Ainsi, ce dessert joue la rencontre subtile entre tradition et innovation : d’un côté, la myrtille alsacienne et la simplicité d’un souvenir culinaire ; de l’autre, la virtuosité technique, le travail de l’anis étoilé et la mise en scène graphique dans une assiette design. Le résultat conjugue mémoire et modernité, rassurance et surprise, dans une gourmandise finale où chaque bouchée révèle un dialogue entre l’héritage du terroir et la liberté créative d’aujourd’hui.

Par Sandrine Kauffer-Binz