La poire et le miel en trois versions
Avec « la poire et le miel en trois versions », le chef signe un dessert de haute lisibilité, à la fois érudit et profondément sensoriel. La poire Rocha, choisie pour sa tenue et sa droiture aromatique, devient ici le fil conducteur d’un triptyque où tradition et interprétation contemporaine dialoguent avec finesse.
Au centre de l’assiette, la poire « façon Belle-Hélène » impose sa présence sculpturale. Pochée avec précision, puis subtilement caramélisée, elle accueille un cornet de glace au fromage blanc et au miel, dont la fraîcheur lactée remplace intelligemment la vanille classique. Le chocolat chaud, servi à part, n’est pas imposé mais proposé : le geste revient au convive, libre de moduler l’intensité du cacao grand cru Illanka du Pérou, dont l’amertume maîtrisée répond à la douceur du fruit sans jamais l’écraser.
À droite de l’assiette, la tarte « façon Bourdaloue » s’affranchit de l’orthodoxie pour mieux affirmer son identité. La poire Rocha, pochée au miel, repose sur une base généreuse, enrichie d’un crumble qui apporte relief et mâche, rompant avec la tradition de la crème d’amande lisse. Cette variation joue sur la gourmandise franche, presque régressive, mais parfaitement maîtrisée.
Enfin, la version norvégienne « Mylord » convoque l’héritage d’Escoffier dans une lecture contemporaine. Sorbet poire, glace vanille, billes de poires pochées au miel et à la vanille s’articulent autour d’une structure croustillante et aérienne, entre sablé et tuile cylindrique. La meringue italienne, légère et satinée, enveloppe l’ensemble sans lourdeur, créant un jeu de températures et de textures d’une grande élégance.
L’accord avec le Poiré Bélénos 2021 de Johanna Cécillon, prolonge cette partition avec justesse. Extra-brut, sans sucre ajouté, ce pétillant naturel 100 % poire apporte une fraîcheur vive, une minéralité nette et une bulle fine, qui viennent équilibrer le miel et souligner la pureté du fruit. Plus qu’un simple accompagnement, il agit comme un révélateur, tendant l’ensemble et allégeant la finale.
Un dessert qui célèbre la poire non comme un simple ingrédient, mais comme un véritable sujet gastronomique.
Par Sandrine Kauffer-Binz



