Les Médaillons de Homard, pickles de betteraves, gel litchi, palets de riz, jus de homard corsé

Une association inédite, parfaitement tenue dans ses équilibres. Ici, la couleur mène la danse, et la puissance s’accorde à la finesse. La chair du homard, ferme et soyeuse, dialogue avec l’éclat rubis des pickles de betterave, tandis que les palets de riz dorés et croustillants apportent une percussion gourmande qui relance chaque bouchée.

Le jus corsé, versé à table, libère un parfum intense de carapaces rôties, avec ses notes concentrées de tomate, de cognac et de vin blanc réduit. Sa profondeur, presque bisquée, est allégée par l’acidité cristalline de la betterave et adoucie par le voile fruité et floral du gel de litchi. Trois registres – marin, terrien, exotique – qui s’équilibrent et se répondent.

Le chef entretient un attachement particulier pour la betterave : « La première fois que je l’ai vraiment appréciée, c’était à l’Auberge de l’Ill, quand Monsieur Paul Haeberlin servait pour le personnel une salade de betteraves très vinaigrée avec le pot-au-feu. » Ce souvenir fondateur se retrouve dans l’assiette : un produit rustique, terrien, mis en contraste avec la noblesse du homard.

Les corolles de betteraves, travaillées en pétales marinés dans le vinaigre et le sucre, apportent la vivacité nécessaire au jus corsé. Le gel de litchi, réalisé à partir d’un coulis gélifié à l’agar-agar, introduit douceur et harmonie. Les palets de riz, d’abord surcuits pour devenir collants, puis poêlés jusqu’au croustillant, se doublent de riz soufflé pour accentuer la texture. Enfin, une persinette apporte une touche végétale en décoration.

Ainsi se construit un plat fusion, contemporain et esthétique, où la créativité se conjugue à la mémoire. Le contraste est saisissant mais toujours tenu : rusticité et raffinement, acidité et suavité, terre et mer. Après plusieurs essais, l’ajout du litchi a permis d’atteindre ce point d’équilibre inédit et surprenant.

En remplaçant son fameux homard au bouillon de gruyère par cette nouvelle création, Julien Binz affirme une autre facette de sa signature : douceur, finesse, et audace maîtrisée.

Par Sandrine Kauffer-Binz