Restaurant Julien Binz : l’amour est dans l’air

Restaurant Julien Binz : l’amour est dans l’air


En 2016, nous vous avons fait découvrir les coulisses des onze établissements étoilés haut-rhinois. En février dernier, trois nouveaux restaurants ont été récompensés d’un macaron par le Guide Michelin. Donc : on y retourne ! Par Mike Obri un article publié sur le JDS

© Mike ObriSandrine Kauffer et Julien Binz dans le salon de leur restaurant14 mois. C’est le (court) laps de temps dont aura eu besoin le consciencieux chef Julien Binz pour décrocher une étoile Michelin avec le restaurant qui porte son nom. Une récompense arrivée rapidement – bien qu’en vérité, elle ne fut pas tout à fait une surprise. Julien Binz avait déjà décroché un macaron en 2012, alors qu’il officiait au Rendez-Vous de Chasse à Colmar. Deux ans plus tard, quand l’établissement et son hôtel furent vendus à un autre propriétaire, l’aventure Michelin de Julien Binz en resta là. En janvier 2015, le chef se retrouva ainsi à un carrefour de son existence. « Julien s’est retrouvé sans cuisine. L’objectif, c’était de lui en retrouver une ! », explique Sandrine Kauffer, l’élégante compagne de Julien Binz. Une cuisine ? Et pourquoi pas sa cuisine… L’idée fait alors son chemin.

Sandrine Kauffer officie de temps à autre à l’accueil du restaurant, lorsque c’est le rush. Mais s’occupe principalement de son entreprise, Le Journal de Julien Binz – Les Nouvelles Gastronomiques d’Alsace, la référence en terme de contenus d’actualité sur le sujet dans la région. Julien Binz et Sandrine Kauffer forment un duo parfaitement complémentaire. Souvent, l’un termine la phrase de l’autre. On perçoit chez eux une très grande complicité. De celle qui peut mener à de grandes choses. Ils se sont rencontrés quand ils avaient à peine 20 ans, il y a presque un quart de siècle. Cette étoile Michelin, c’est la récompense d’un duo. « Sans Sandrine, tout cela ne serait pas possible », avoue sans détour Julien Binz.

Une passion dévorante

L’étoile était un objectif de longue date. Julien Binz s’est formé auprès des plus grands et des plus toqués. De 1991 à 1995, il participe à la conquête de la troisième étoile d’Antoine Westermann au Buerehiesel à Strasbourg. Puis devient le second de Paul Haeberlin à l’Auberge de l’Ill jusqu’en 2000. Paul Haeberlin ira jusqu’à passer un petit coup de fil en haut lieu pour récupérer fissa Julien Binz, alors en indisponibilité pour cause de… service militaire. Deux maisons triplement étoilées coup sur coup : voilà un parcours hallucinant pour un jeune chef. Et dire que la cuisine n’était même pas sa vocation.

« Je voulais devenir Ingénieur des Eaux et Forêts ! L’école hôtelière, c’était un peu par hasard… Mon père, chef d’entreprise, m’imaginait un tout autre avenir. C’est vrai, il était un peu déçu de me savoir en cuisine. Un été, il m’a trouvé un stage dans un restaurant étoilé, chez Didier Oudill. Un chef avec un sacré caractère. Ce fut quatre mois très durs, que je n’oublierais jamais, du 7h30-1h du matin sans pauses. Je crois que mon père a cherché à me dégoûter du métier. Mais j’ai vu que j’avais le niveau pour tenir. J’ai appris énormément et ce rythme infernal a fini par me coller à la peau », s’amuse-t-il.

Une étoile pour deux

Jeune Talent Gault & Millau, trophées d’excellence, récompenses critiques, étoile Michelin… Julien Binz accumule les louanges depuis plus d’une décennie. « La cuisine me fait cogiter, c’est une compétition contre moi-même », sourit-il. « C’est vrai, il ne pense presque qu’à ça ! », s’amuse Sandrine Kauffer. Le couple doit quand même avoir d’autres occupations, des loisirs ? « Bien sûr ! », lance le chef. Qui marque ensuite un temps d’arrêt pour réfléchir. « Par exemple, on fait du tourisme gastronomique ! »C’est confirmé. Le chef Binz ne pense donc bien qu’à ça !

Pas le temps de profiter trop longtemps du p’tit noir dans les canapés moelleux du salon. Julien Binz doit filer derrière les fourneaux. Nous le suivons discrètement. Sa cuisine est spacieuse. Le soleil s’y invite généreusement grâce aux larges fenêtres donnant sur l’extérieur.

« Après le Rendez-Vous de Chasse, quand je cherchais un endroit où m’installer, c’est l’aspect de la cuisine qui primait : je ne pourrais pas travailler dans une cuisine étriquée ou en sous-sol », explique Julien Binz. Ah ! N’est pas Jérôme Jaegle qui veut – le chef de l’Alchémille, qui décroche la palme de la cuisine étoilée la plus exiguë du Haut-Rhin…

« La cuisine me fait cogiter, c’est une compétition contre moi-même. »

La nature calme et ordonnée de Julien Binz transparaît en cuisine. Le travail est abattu dans une singulière quiétude : on entend les oiseaux piailler par la fenêtre, entre deux Saint-Jacques qui dorent. Une ambiance zen qui rappelle celle de l’Auberge de l’Ill. Le chef Binz a été à bonne école. Il envoit deux Quasi de veau et souligne : « Cette étoile vient récompenser nos choix avec Sandrine, de la déco, à l’équipe, au lieu : Ammerschwihr. On précise que l’étoile ne va rien changer, et surtout pas les prix qui ne vont pas augmenter ! »

Julien Binz est un chef respectueux des traditions culinaires françaises. Il avoue aimer particulièrement travailler deux classiques de la gastronomie : le foie gras et le homard. Son homard au bouillon de gruyère est l’une de ses signatures. Les gourmands se délectent en salle, tout en admirant la décoration à la fois moderne et baroque. On ne peut que s’arrêter un instant devant la grande fresque murale, une reproduction de la Fontaine d’Amour du peintre Fragonard. Une peinture qui révèle la teneur de l’énergie vitale qui au centre du restaurant : l’amour. Un sentiment à l’origine de l’existence du lieu, de son étoile et de ce que vous trouverez dans vos assiettes.