Le bar sauvage et la sauce Albertine en hommage à « Emile Jung »

Le bar sauvage et la sauce Albertine en hommage à « Emile Jung »


Ce plat est l’occasion de mettre en évidence nos liens avec la famille Jung et de rendre hommage au chef Emile Jung.

Monsieur Jung nous a quittés en 2020, le jour de la cérémonie du Michelin. A chaque cérémonie, son souvenir y est associé. Cette année, nous y étions à Cognac tous les deux, avec François qui est monté sur scène pour le prix du sommelier Michelin 2022. relire ICI

Récemment son épouse Monique Jung, m’a offert la recette de sa fameuse sauce Albertine, en me disant que « c’était une sauce extraordinaire et qu’elle souhaitait qu’elle m’inspire ».

Emile Jung était un grand saucier !

Cette recette lui avait été offerte par un chef qu’il estimait beaucoup, André Guillot, (1908-1993 ) chef de l’Auberge du Vieux Marly à Marly le Roi. Nombreux sont les chefs d’Etat qui ont dégusté ses plats. Il était considéré comme un des précurseurs de la Nouvelle Cuisine Française. Émile Jung venait souvent le visiter et passait des heures dans sa cuisine pour apprendre. André Guillot* s’était pris d’affection pour le jeune chef alsacien et lui transmis (entre autre) sa recette de la sauce Albertine. Emile Jung lui tint une admiration et un respect sans faille, nappant une sole de cette fameuse sauce Albertine, à la carte du Crocodile à Strasbourg, 3 * au guide Michelin.

« Je l’ai reproduite fidèlement, trait pour trait, je n’ai rien enlevé et je n’ai rien ajouté » explique Julien Binz.

Julien Binz déguste et explique ses plats avec l’équipe de salle. Ici le bar sauce Albertine ©S.Kauffer

Ce sont des moments d’échanges pédagogiques et de transmission entre le chef et l’équipe de salle. Il vient expliquer ses plats, la composition de sa nouvelle recette, les produits sourcés, l’histoire du plat, et un rappel pour les jeunes générations du parcours d’Emile Jung et qui était André Guillot, … »que les jeunes de moins de 20 ans ne peuvent pas connaitre », évidemment. 

C’est l’occasion aussi par le biais des parrainages de leur expliquer le tissu association de la profession et leurs finalités. La culture professionnelle doit toujours faire le lien avec les chefs qui sont entrée au Panthéon de la gastronomie et la génération Top chef, entre tradition et innovation. C’est l’instant où les sommeliers Elodie et François, viennent faire leur proposition d’accord mets.vins pour les déguster et les commenter ensemble avec le chef. Il est important qu’il valide le choix, car le vin finalise son intention créative.

Découvrez le plat en vidéo

 

La sauce Albertine est un grand classique de la cuisine.

« C’est une sauce traditionnelle, onctueuse grâce au beurre et à la crème, donc pour l’acidité, j’y ajoute une réduction de Noilly Prat, de fumet de poisson et de jus de viande ».

Pour apporter une texture supplémentaire à sa recette, le chef conserve l’échalote qui venait apporter du goût à cette sauce, mais qu’Emile Jung retirait au dernier moment.

La bar sauvage et la sauce Albertine d’Emile Jung

En accompagnement; une asperge tout en longueur, condiment agrumes, citron, orange et vanille. Par-dessus, quelques pointes de fromage blanc aux herbes, avec des graines de sarrasins torréfiées, qui viennent recouvrir délicatement l’asperge. Des saveurs, qui se marient parfaitement avec des petites pommes gaufrettes déposées minutieusement au dernier moment.

« À l’époque, au Crocodile, elle accompagnait une sole, en feuilletage, et la sauce était servie à part », mentionne Julien Binz. « J’ai choisi le bar, et j’ai soufflé les écailles pour apporter, d’une autre manière, un côté croustillant. Pour se faire, j‘ai cuit le poisson avec ses écailles. Lors de la cuisson, elles se relèvent naturellement et créent cet effet, visuellement et gustativement intéressant. Elles se consomment avec le bar, et apportent un croustillant singulier et surprenant », sourit le chef.

Julien Binz et Emile Jung ©S. kauffer

Emilie Jung était mon parrain professionnel

« Je n’ai pourtant pas travaillé avec lui au Crocodile, mais dès que j’ai eu mes premières places de chefs, il a jalonné mon parcours de ses conseils et de sa bienveillance. En 2010, il me parraine avec Fernand Mischler pour rejoindre les  Disciples d’Escoffier d’Alsace. C’est lui qui m’avait demandé de me présenter au Rendez-vous de chasse à Colmar chez Richard Riehm. « Cette place est faite pour vous » m’avait-il. « Et ce fut le début d’une belle expérience et des premières reconnaissances avec l’obtention d’une étoile Michelin en 2012. Puis Emile Jung m’a  parrainé avec Fernand Mischler pour rentrer l’association des Maîtres Cuisiniers de France. J’ai étais intronisé à Lyon chez Paul Bocuse dans la même promotion que Guillaume Gomez. Installé à Ammerscwihr, il nous fait l’honneur de ses visites avec Monique. Il me parraine à nouveau pour rejoindre le club Prosper Montagné Alsace (avec Philippe Gaertner).

e G à D : Gérard Kritter, François Paul, André Fournet, Julien Binz, Emile Jung, Olivier Nasti et Philippe Gaertner
e G à D : Gérard Kritter, François Paul, André Fournet, Julien Binz, Emile Jung, Olivier Nasti et Philippe Gaertner
Julien Binz intronisé chez les disciples Escoffier, parrainé par Emile Jung (en haut à droite) archive 2010 ©S. Kauffer
Julien Binz entouré d’Emile Jung et Fernand Mischler, ses parrains MCF- archive 2013 ©S.Kauffer
Emile Jung est le parrain de Julien Binz chez les Maitres Cuisiniers de France -archive 2013 ©S. Kauffer
Julien Binz et Guillaume Gomez intronisés chez les MCF-à Lyon  archive 2013 ©S.Kauffer

« Madame Jung est une grande dame de la Gastronomie »

A chacune de ses visites au restaurant, l’équipe de salle est en joie. Elle énonce toujours les bons mots pour les complimenter et les encourager. Son expérience est précieuse. Sa prestance et son élégance font d’elle un modèle, un exemple à suivre pour toutes les générations.

Monique Jung au restaurant Julien Binz en 2018 ©Nouvelles Gastronomiques

  » J’ai appris à la connaitre lors du reportage dédié à Emile Jung dans le magazine Good’Alsace N°6″ mentionne Sandrine Kauffer. « J’apprécie chaque échange que nous avons, sa grande culture, son élégance, la finesse de son esprit et son analyse. Son regard pertinent sur l’évolution de nos métiers, sa bienveillance et sa douceur dans un monde qui s’individualise et s’accélère jusqu’à la perte de certaines valeurs, sont une ressource précieuse, pour qui sait les écouter.

Enfin, quel bonheur et honneur d’avoir été partenaire média de la première édition du Trophée Emile Jung sur le salon EGAST à Strasbourg en février 2022. Ce fut un grand rendez-vous, personnel et professionnel, tout en émotion, en symbole, et en hommage au grand chef, généreux et grand cuisinier, qu’il était. »

Monique Jung et Sandrine Kauffer-Binz lors du  1er Trophée Emile Jung

Qui était André Guillot  ?

Passé par le Ritz, le Crillon, le Fouquet’s, chez Régina André Guillot (1908 -1993) s’est installé en 1952 à L’Auberge du Vieux Marly à Marly-le-roi, très fréquentée par des personnalités et des célébrités.

Émile Jung vint le rencontrer. André Guillot s’était pris d’affection pour le jeune chef alsacien et lui transmis (entre autre) sa recette de la sauce Albertine. Emile Jung, lui tint une admiration et un respect inconditionnel, mettant cette recette Albertine, à la carte du Crocodile à Strasbourg, 3 * au guide Michelin.

André Guillot est considéré comme un précurseur de la Nouvelle Cuisine Française, il devint une des coqueluches du guide Gault & Millau, surnommé « Le magicien du Vieux Marly » en 1969. André Guillot explique ses principes de la façon suivante dans son livre de souvenirs « La Grande Cuisine Bourgeoise » en supprimant les roux et farine dans les sauces, en remplaçant les vol-au-vent et les bouchées à la reine par des feuilletés. Il installe un  menu autour d’un seul plat principal, « précédé d’une petite chose agréable et originale avant et un dessert léger après ». Il conseillait aussi un seul vin s’harmonisant avec le grand plat.

André Guillot prend une retraite active en 1972, donnant en France et à l’étranger, une vingtaine de séminaires de cuisine, -dont l’intendance est assurée par Paule Neyrat-, à des chefs et amateurs éclairés, destinés à transmettre son savoir. Les participants pouvaient ainsi découvrir les secrets de sa pâte feuilletée, de sa technique de liaison des sauces par réduction de crème fleurette, et tous ses préceptes détaillés dans deux livres : La Grande Cuisine bourgeoise (Flammarion, 1976) et La Vraie Cuisine légère (Flammarion, 1981).

Parmi les chefs qu’il a formés ;  Arnaud Daguin, Pierre Darroze, Alain Dutournier, Jacques Cagna, Frédy Girardet,  Émile Jung, Guy Martin, ou encore Marc Meneau.

Christian Millau le décrit comme « le plus méconnu des très grands cuisiniers français ». Hervé This, physico-chimiste, ingénieur de l’École de Physique et Chimie de Paris (ESPCI ParisTech) (95e promotion), travaillant à AgroParisTech, mentionne André Guillot pour son usage du Palmola dans la pâte feuilletée, en lieu et place du beurre.